Ma maison secondaire
J’ai une immense maison secondaire
Située à 647 kilomètres de Paris
A la frontière de la mort
Et au bord de la vie
C’est un coin paumé
Je n’y vais jamais
Là-bas
Pas de contradiction soluble dans les corps
Pas de représentation ikea
Pas de salut
Même moi
Quand j’y vais
Quel soulagement
Je ne m’y retrouve pas
Ça parle une sorte de langue de bois
Que même l’être ne comprend pas
On y boit une eau de vice
Et on y mange de la bavette à la loi
Les amis y sont nombreux
Je ne les connais pas
Je l’ai héritée
Cette maison secondaire
De mon désespoir
Qui est mort avant moi
A 94 ans
D’une étrange crise de rire
Alors qu’il creusait ma tombe
Il y règne un Silence
Que j’aime
Et j’y sers ce roi
En fidèle sujet
Parfois le roi me permet
D’aller me baigner
Dans la vie
Toute proche
Toute fraîche
Puis je pousse à vélo
Jusqu’à midi
Je m’allonge sur la colline
Et je fais le mort
Pendant des vies entières
Ma maison secondaire
Je n’y suis jamais
C’est le vrai bonheur