Été humain

Chasseur-cueilli. Juif erré. Benne Laden. Avoir été. Futur postérieur. L’humanité, l’humanisme, l’humain, les droits de l’Homme. Qu’est-ce qu’être humain ? Tout. Rien. Perversion polymorphe. Faire feu de toute loi. Faire foi de tout feu. Faire lieu de tout bois. Etre droit dans ses bottes noires. Claquer. Salut nazi. Ouliposucion. Je découvre, avec effroi ?, avec joie ?, avec le romantisme, que la grande mode des émotions, naïves, ridicules, en pédagogie, tente d’éteindre le feu qui dévore toujours les liens. Les liens qui se brisent. Toujours. Jusqu’au bout. Ce qui se défait. Et les luttes et les arts. Rien ne tient. N’a de tenue. Tout se ramollit. Explose. Disparaît. Moi le premier. Eclats d’obus verbaux. Le champ artistique comme précurseur des subjectivités à venir. Nous vivons dans des superpositions d’époques variées. En politique. Au travail. En amour. Et nous croyons vivre au présent. Nous croyons même vivre. Vivre humainement. Mais combien de temps machines ? plantes ? animaux ? masques ? calculateurs ? sadiques ? psychotiques ? traditionnalistes ? ailleurs ? combien de temps humain ? L’animal en noue flippe du détachement produit par notre monde. Angoisse. Terreur. Solitude. Tous les refuges brûlent un à un. Il reste des bouts de masque. La jouissance. L’ennui. Le suicide. L’obésité. La fuite. Manquer de temps. Dépenser l’argent. Se battre. Guerres mondiales. Capitalisme impérial. Nous écrivons comme avant une troisième guerre mondiale, et le déchaînement du désert marin. Le déluge sec. L’été humain avec lunettes de sommeil et crème polaire. Pourquoi s’attacher à une définition de l’humanité qui nous rend triste, réactionnaire ? Lobster. Kafka. La métamorphose anti-romantique. L’étrangeté du monde. L’expressionisme. Plus de refuge. L’artiste exposé à sa propre torture. Sans un bruit. Sans un cri. Sans grimace. Plus rien. Le fascisme doux, soft, du confort universel. De temps en temps une fusillade. Une religion. Un romantique. Un illuminé. Un dictateur. Mais sinon, Amazon. Baudrillard. Qui peut encore prétendre ? S’affilier ? Vivre et mourir pour, contre ? Se sacrifier ? C’est Noël. Chaque jour. Black D-Day. Débarquement reconditionné. L’Amérique neuronale. La sillyconne vallée. Bêtes. Mais oui mais oui, les bêtes aussi ont des émotions, des pensées. Et mon Iphone aussi. Le grand noyer. La pierre pas taillée. L’intelligence est partout. L’érosion de tous les liens est maîtresse de toutes les causes, de tous les effets. Rien ne se tient. Tout est confus. Mêlé, paumé. Comment de ne pas rêver d’un nouveau début, d’une nouvelle fin ? Tabula rasa. On efface tout et on recommence. On oublie tout, surtout. Oublier. Et essayer un autre été. Une autre humanité. Plus de sentiment, de sensiblerie, de sentimentalisme. Sade plutôt que Rousseau. La suite logique de notre temps. « Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés. »

Désabusement. Perdu. Eclairé. La lumière nous traverse hasardés.

Désabusés. Déniaisés. Désillusionnés. Intéressante proximité de l’illusion et de l’abus. Ma conscience fausse, faussée, est abusée, violée, violentée. Qui violait ma pensée ? Et maintenant, dés-abusé, après le viol, dans quel état puis-je encore penser ? Quand on me retire mes illusions, que fait-on au viol qui a eu lieu ? Le défait-on ? Défait-on un viol ? Il ne saurait y avoir de retour en arrière. Désabusé, je suis hagard, abruti, plein comme la pierre agitée et glaciale. Bourré sobre. Lavé de force. Le désabusement est-il un nouveau viol, propre, hygiéniste, orange mécanique ? Fort heureusement, l’obsessionalité assure au désabusé le retour, compulsif, de l’os à ronger et des dents pour le ronger. Tout repousse. Les abus où se ruent les désabusés. Rape me. Devenir machine. Devenir objet. Devenir croyant. Devenir quelqu’un de bien. Devenir papa. Devenir rien. Combien de temps, rien ? Rien, nous, en paroles fonctionnelles ? En pensées de lave-vaisselle ? En gestes Excel ? Combien de temps, humain, vraiment, parlant pour dire quelque chose de significatif, pensant pour dénicher du sens et en inventer, bougeant pour danser follement ? Combien de temps, copies conformes, salariés salés, familiaux infernaux, oisifs osseux, porcs parqués, voyageurs viagers ? Combien ont vécu sur les milliards de morts jamais nés ?

Sur les plages de l’été humain, aucun été humain.